Rite funéraire de Charles Cromley

A notre Frère, Capitaine et Ami... Charles Cromley

Nous avons remis à la Mère notre capitaine et plus ancien ami de la maison Mackson. Dans un silence de cathédrale et devant tous les habitants de la colonie le Frère Isaac a prononcé des mots que nous avons tous répétés. La forêt qui semblait tellement agitée à cessé de respirer durant cet instant mémorable. Des lanternes ont été placées tout autour du camp pour guider Charles Cromley à travers la brume. Nous savons que les eaux le porteront jusqu'au sanctuaire des tempêtes et qu'il y sera en sécurité. Si l'envie de revenir le prenait pour nous murmurer notre avenir, nous serons à son écoute. En dessous des poutres qui retenaient les lanternes, les villageois ont cloué des mots et des phrases à sa mémoire.

La mort tombe dans la vie comme une pierre dans un étang : d’abord, éclaboussures, affolements dans les buissons, battements d’ailes et fuites en tout sens. Ensuite, grands cercles sur l’eau, de plus en plus larges. Enfin le calme à nouveau, mais pas du tout le même silence qu’auparavant, un silence, comment dire : assourdissant.

J’ai écrit ton nom sur le sable,
Mais la vague l’a effacé.
J’ai gravé ton nom sur un arbre,
Mais l’écorce est tombée.
J’ai incrusté ton nom dans le marbre,
Mais la pierre a cassé.
J’ai enfoui ton nom dans mon cœur,
Et le temps l’a gardé.

Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin,
et part vers l'océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.
Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti !»

Parti vers où ?
Parti de mon regard, c'est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter
sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
pas en lui.

Et juste au moment où quelqu'un prés de moi
dit : «il est parti !»
il en est d'autres qui le voyant poindre à l'horizon
et venir vers eux s'exclament avec joie :
«Le voilà !»

C'est ça la mort !
Il n'y a pas de morts.
Il y a des vivants sur les deux rives