Les pécheurs de l'île

Un groupe de pécheur se présenta au port le soir même, des visages bien connus pour certains et reconnaissables même pour les gardes les plus prestigieux de l'île. Il s'agissait d'Edward Flintcher, de Robb Nathling, et de Wallace Stromberg. Ce trio bien connu de la colonie pour son tempérament aventureux, formait probablement la principale ressource en nourriture de l'île, ou du moins la plus prolifique. Ces trois pécheurs chevronnés étant en effet capable de trouver les meilleurs coins à poissons et autre fretins avec leur yeux affutés et leurs longues années d'expériences. Cependant ce soir là ce n'était ni l'appel de la bière ni l'appel du sommeil qui les ramenait à la colonie après plusieurs jours d'absence mais une peur palpable, voir même une terreur diraient certains. Les yeux fatigués d'Edward en disaient long, tandis que Robb ou Wallace restaient en retrait, l'air abattus et honteux.

Quand les habitants leur demandèrent les raisons de ce changement d'attitude et pourquoi leur tonneaux de poissons, d'ordinaires remplit à ras-bord, n'était remplit que d'un fond d'eau salée, les marins échangèrent des regards, honteux. Eux qui étaient toujours les premiers à se vanter des produits de leur pêches, et a prier la Mère des Marées avec ferveur. On pouvait souvent entendre Edward répéter: "Grâce a not'foi la Mère est généreuse et les poissons s'jettent dans nos filets, parole d'pécheur j'vous l'dit!" Cependant nul ne l'avait plus vu avec une telle mine depuis ce jour funeste où le manoir était partit en cendre lors de l'attaque des orcs en Kul'Tiras.

Tandis que ses amis débarrassaient le canot de pêche, qui leur servaient de moyen de transport et d'outil de travail, du peu de matériel qu'ils avaient ramenés avec eux, Edward Flintcher entama un récit qui rendit perplexe les gens s'étant rassemblés pour l'écouter. Selon ses dires, des créatures venaient les réveiller la nuit, et menaçaient de les dévorer au grand jour. Ni soleil ni lune ne leur laissaient de répis, et à l'en croire cette bête menaçante était affamée. Au début, dit-il, ce n'était que des bruits étranges, comme le bruit de la pierre sur la pierre. Ensuite ce furent les poissons retrouvés déchiquetés en nombre sur la plage, du petit fretin dont ils ne retrouvaient que des arrêtes sur le sol jusqu'aux anguilles éparpillées et même, affirmait-il, un véritable requin-squale de 4 bon mètres qui fut retrouvé gisant sur la côte, le ventre vidé, et la gueule arrachée.

Pour preuve, rajouta t-il, il avait ramené cette dent! Le vieux pécheur exhiba une dent de requin, que les colons reconnurent pour la plupart comme une authentique. Les Kul'tirassiens étaient nombreux à posséder une connaissance des créatures marines et il ne faisait pas de doute que, pour la majorité, cette dent était bien la preuve que leur histoire était vrai. Les ragôts allèrent bon train ce jour là, "Une créature mystérieuse avait fait fuir les meilleurs marins de la colonie! Qu'en penser?" Jusqu'à ce qu'un garde passant non loin ai vent de cette histoire. Il en fallait plus pour faire fléchir le moral des colons mais c'était à n'en pas douter un soucis de plus sur les épaules du capitaine qui venait de pointer le bout de son nez, ou le cas échéant sur les épaules du Baron Mackson lui même.

Une expédition à été organisée, un groupe rassemblé. Les volontaires furent peu nombreux, pour ne pas dire inexistant, car le Baron ne lésine ni sur la rapidité d'action ni sur les décisions. En vérité ce fut une sorte d'expédition punitive, en sous-effectifs et avec des "volontaires" proprement effrayés. Punitive car le but était de réduire à néant la supposée menace, mais également les pécheurs faisant preuve d'une lâcheté que le Seigneur de l'île ne saurait tolérer. Etant donné le climat de l'île, et les troubles subit par la populace depuis son arrivée, il était primordial de montrer à tous l'autorité de la Maison Mackson et de sa Garde armée. Ainsi le Sergent Havreport prit sous ses ordres le soldat Delnas Walden et le trio de marin au courage amoindris. L'eaugure fut également mis à contribution, dans le but avoué de rassurer le groupe mais également de parer à toute menace provenant des océans. Chacun aurait son rôle à jouer et cette affaire devrait être réglé au plus tôt afin que d'autres problèmes plus urgent puissent être enfin résolu, à l'instar du supposé "Équarrisseur du Couchant".

Une chaloupe fût mise à l'eau, avec tout ce beau monde à bord, au moral plus ou moins bas. Guidé grâce aux indications d'Edward Flintcher, le doyen des pécheurs, et aux bénédictions de l'Eaugure l'embarcation arriva sur le site de pêche en quelques dizaines de minutes. Posant pied à terre chacun mémorisa l'endroit où serait laissé leur moyen de transport, par pure précaution de loup-de-mer. Il est en effet tabou dans la culture Kul'tirassienne d'égarer quelque moyen de transport que ce soit, si celui ci navigue sur les flots: ce serait rejeter les cadeaux de la mère des marées, un véritable affront! Le groupe entreprit d'avancer vers l'endroit abandonné des marins, et après une petite marche dans le sable humide collant aux bottes, un spectacle étrange accueillit les gardes aguerris, les marins réticent, et l'Eaugure. Une Chaloupe en bien piteux état, couvertes d'algues et de bave répugnante, marquée d'étranges griffures ayant perforé la coque. Nul choc, pas même la rencontre d'un récif, n'aurait pût endommager de la sorte ce bois. Indéniablement la preuve qu'un "monstre" avait fait fuir les marins.

Ce spectacle macabre n'en était pourtant qu'à son commencement. Un peu plus loin le campement des pécheurs se dressait sous la forme d'un îlot. En son centre se dressait trois tentes, où les marins avaient pris l'habitude de résider, ainsi qu'un feu de camp refroidis. Des restes de nombreux poissons péchés gisaient éparpillés autour des tentes réduites en lambeaux, et toujours la présence d'algues. Le poisson n'avait pas simplement été éparpillés mais déchiquetés, et dévorés. Comme si la chose s'étant acharnée à réduite en morceaux le matériel des hommes de l'île l'avait fait avec une violence inouïe. Quelques maigres possessions furent récupérées par les trois hommes apeurés: une paire de lunettes -brisées bien sur- une petite bourse d'argent, et une écharpe, recouverte d'une bave répugnante. Cependant aucun indice sur la provenance de la créature ayant chassé les anciens locataires du site de pêche. Ce n'est que sous l'insistance des gardes que l'un des marins finit par avouer que ce campement n'était pas leur premier, et qu'ils n'étaient venus s'installer ici qu’après avoir fuit un autre endroit -bien plus fertile en poisson-.

La voyage repris vers un autre lieux, un second îlot isolé, sur lequel se dressait une solide cabane. Suffisamment grande pour y abriter les pécheurs pendant plusieurs jours. C'était donc le secret de ces hommes: en construisant une refuge proche du coin le plus poissonneux de l'île sans avertir personne ils s'étaient involontairement exposé à un danger dont ils ne se doutaient pas. Malgré la supposée couardise du trio, force était de constater aux gardes qu'ils avaient fait preuve d'une certaine audace dans leur entreprise, bien que le secret n'était jamais bon. L'enquête repris et révéla les même traces de saccage précédemment observées, toujours ces traces de griffes et ces algues venu d'on ne sait-ou, de même que des restes de poissons abandonnés au sol. Quelque chose attira l'oeil des gardes un bref instant: sur l'autre extrémité de l'îlot se tenait une forme accroupis, plus petite qu'une homme. Des yeux jaunes, deux rangées de dents pointues, une créature recroquevillée... Le spectacle ne dura qu'un instant avant que la chose ne plonge dans l'eau pour ne plus reparaître. Était-ce cela là le monstre qui hantait les nuits des marins?

Alors que le groupe achevait d'examiner l'intérieur de la cabane, et le reste de requin éventré, une chose se produisit qui faillit faire flancher la détermination des marins. Une créature massive sortit des eaux, larges comme quatre hommes, et hautes comme deux! Entre la fuite et un combat risquant de leur coûter la vie, le choix fût difficile mais une chose en entraînant une autre un combat féroce s'engagea avec la créature des profondeurs! Cette bête ressemblait à un grand crabe, dit-on mais un grand crabe d'une taille et d'une férocité démesurée, jamais de mémoire de marin n'avait-on vu une bête semblable! Ses pinces tordirent l'acier et tranchèrent dans la chair! Cependant ce n'est pas sans raison que la discipline, et la vaillance, du peuple de Kul'tiras est réputée dans le monde entier! L'acier des gardes répondit aux rugissement infect, la poudre à canon aux fracas des pinces sur les boucliers, et les prières de l'Eaugure à la fureur incontrôlable! Chacun lutta pour sa survie, et même les trois marins trouvèrent assez de cran en eux pour se dresser contre l'animal!

Ce fut un combat aussi brutal que rapide. Plusieurs fois l'ont crû qu'un fidèle soldat allait se faire écraser, ou un marin dévorer. Mais ferveur et courage mirent à bas la chose. Son sang recouvrit le sable, et par la même la malédiction qui pesait sur les pécheurs fût levée. Le cauchemar de leur nuit venait de périr. En rentrant à la colonie, ils ne furent pas accueillit en héros, car personne ou presque n'était au courant de leur mission mais leur fierté était grande! Ils avaient vaincu un monstre des océans, et ramenés une preuve irréfutable en emportant avec eux l'une des pinces, encore tachée du sang de l'un des marins. Celle ci ornerait peu de temps après la cheminée de l'auberge de l'île du couchant. Une affaire ayant fait jaser peu de temps avant de retomber dans l'oublis. Les seuls hommes présent sur place s'en rappelleront... Le Baron Mackson aura cependant gardé une oreille attentive au récit de ses hommes, et interdit toute sortie en mer. Une décision qui n'aura provoqué aucune contestation, car personne en dehors du trio téméraire ne s'était jusqu'alors risqué hors des murs de la colonie.